Homélie
Prière universelle
 Homélie du P. Désiré 

Frères et sœurs, après la question dimanche dernier sur la licéité de payer l’impôt à César ou pas, cette fois-ci c’est sur l’ordonnancement de la loi que Jésus est interrogé : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » (Mt 22, 36). Comme avec la question sur l’impôt, les interlocuteurs de Jésus ne sont pas de bonne foi, ils cherchent « à le mettre à l’épreuve » (Mt 22, 35). Mais, de la même manière qu’il a dérouté les sadducéens sur l'impôt, la réponse de Jésus va surprendre les autorités religieuses qui l’interrogent.

Évidemment, puisqu’on l’interroge sur la loi, Jésus puise sa réponse dans la Loi mais les emmène bien au-delà du juridisme classique qui alimente leurs querelles sur la primauté des lois. Pour bien saisir sa réponse, il convient de rappeler que depuis le 3è siècle de notre ère, le Talmud (expression exacte de la loi morale du judaïsme rabbinique) ainsi que des recherches tardives ont dénombré 613 commandements dans l’Ancien Testament dont 248 commandements sur le « faire » et 365 commandements sur le « ne pas faire ». C’est beaucoup, c’est même trop pour qu’une personne puisse les respecter.

« Alors pourquoi la Loi ? [Selon St. Paul dans la Lettre aux Galates], elle a été ajoutée, pour que les transgressions soient rendues manifestes, jusqu’à la venue de la descendance à qui ont été faites les promesses » (Gal 3, 19). Du point de vue biblique, ce qui importe, ce n’est donc pas le nombre des commandements mais leur objectif : libérer le peuple de l’aveuglement pour le conduire à l’avènement du Messie, le Christ, ainsi que l'affirme St. Paul toujours aux Galates : « Avant que vienne la foi en Jésus Christ, nous étions des prisonniers, enfermés sous la domination de la Loi, jusqu’au temps où cette foi devait être révélée. Ainsi, [poursuit-il] la Loi, comme un guide, nous a menés jusqu’au Christ pour que nous obtenions de la foi la justification. » (Gal 3, 23-24).

Cela étant, refusant d’établir une hiérarchie entre les six cent-treize commandements du judaïque rabbinique, Jésus cite deux commandements tous deux inscrits dans la Loi de Moïse et il les place au même niveau : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » (Mt 22, 37) et […] « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 39). Alors, il s’empresse d’ajouter : « De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes » (Mt 22, 40). Mais que disent la Loi et les Prophètes ?

Commençons par la Loi, c’est-à-dire le Décalogue (Ex 20, 1-17) que dit-il ? :

1. « Je suis le Seigneur ton Dieu. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi »

2. « Tu ne fabriqueras pas d’idole »

3. « Tu ne prononceras pas faussement le nom du Seigneur »

4. « Tu observeras le jour du sabbat pour le sanctifier. »

5. « Tu honoreras ton père et ta mère »

6. « Tu ne tueras pas »

7. « Tu ne commettras pas d’adultère »

8. « Tu ne voleras pas »

9. « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain »

10. « Tu ne désireras rien de ce qui est à ton prochain »

Frères et sœurs, en prenant le temps de réécouter le décalogue, que remarquons-nous ? Nous remarquons que les commandements concernant la conduite envers Dieu sont immédiatement suivis de ceux concernant la conduite envers le prochain. C’est-à-dire que depuis l’Ancien Testament déjà est établi un lien étroit entre la conduite envers Dieu et celle envers notre semblable. C’est également ce que nous retrouvons dans la première lecture que nous avons écoutée. Dans celle-ci, le Livre de l’Exode égraine la conduite que nous devons avoir envers les autres, particulièrement ceux qui crient vers Dieu, les tous petits (appelés, anawims) : les pauvres, les veuves, les orphelins, les immigrés. C’est au nom du Dieu de l’Alliance, celui-là même que l’on aime de tout son cœur et de toute son âme qu’il faut aimer ces déshérités sur le plan économique et social parce qu’eux aussi, sont des fils d’Abraham.

Quant aux Prophètes, tout au long de l’attente du Messie, ils n’ont fait que rappeler en guise de souvenirs à ne jamais oublier ce lien entre l’amour de Dieu et celui du prochain. Souvenons-nous de ce beau texte d’Isaïe que nous lisons le jour du mercredi des cendres au sujet du jeûne qui plaît à Dieu : « faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs, […} partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable » (Is. 58, 6-7).

Frères et sœurs, ce dimanche, de la loi aux prophètes, il nous paraît clair que la Parole Dieu veut nous libérer ; Dieu nous a libéré dans le Christ. Par conséquent, tout homme configuré à l’image du Christ est aussi appelé à travailler à ce que soit brisé tout ce qui entrave l’être humain dans sa dignité et dans sa personne. Mais, parce que nous restons trop souvent silencieux et complices du légalisme, écoutons encore St. Paul : « Galates stupides, qui donc vous a ensorcelés ? À vos yeux, pourtant, Jésus Christ a été présenté crucifié. Je n’ai qu’une question à vous poser : l’Esprit Saint, l’avez-vous reçu pour avoir pratiqué la Loi, ou pour avoir écouté le message de la foi ? » (Gal 3, 1-2).

En refusant d’établir une hiérarchie entre les 613 commandements du judaïsme rabbinique, Jésus veut peut-être nous dire qu’il y a des manières d’appliquer la loi qui la trahissent. Il n’y a qu’une seule loi qui nous permet de nous configurer véritablement au Christ : celle de l’amour, « aimer Dieu et aimer son prochain » ; sans le second, le premier est vain. On ne saurait prétendre aimer Dieu si on n’aime pas celui-là même qui est semblable à nous, notre prochain. Prions donc le Seigneur de nous donner la grâce de le comprendre. Prions le Seigneur qu’il nous donne la grâce de ne pas nous laisser aveugler par la loi au détriment de l’amour.                   Désiré Ayina, sj.

Prière universelle 

En ce Dimanche, tournons vers Dieu
pour lui confier les besoins de tous les hommes.

« Tu ne maltraiteras point l’immigré qui réside chez toi,
tu n’achèteras pas la veuve et l’orphelin… »
Pour que l’Église sache témoigner
de l’amour inconditionnel de Dieu pour chaque homme
en ouvrant sa porte toujours plus grande aux plus nécessiteux de notre société,
prions Dieu notre Père.

R/ 36 Dieu notre Père, prends pitié de nous.

« Si tu prêtes de l’argent à un pauvre,
tu n’agiras pas envers lui comme un usurier. »
Pour que ceux qui tiennent entre leurs mains la destinée des peuples
refusent la dictature d’une économie globale avide d’argent et sans scrupule,
prions Dieu notre Père.

« Vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles,
afin de servir le Dieu vivant… »
Pour que tous les peuples en guerre en particuliers ceux de la Terre Sainte,
acceptent de se retrouver enfin autour d’une même table pour parler de paix,
prions Dieu notre Père.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,
de toute ton âme et de tout ton esprit…
et tu aimeras ton prochain comme toi-même… »
Pour que nous tous ici rassemblés autour de cette table eucharistique,
sachions répondre aux attentes
de l’immigré, de l’orphelin et de la veuve qui frappent à notre porte,
prions Dieu notre père.

Dieu de tendresse et de miséricorde, exauce-nous,
pour que notre vie toute entière soit source de joie pour nos proches
et gloire à ton Nom par Jésus le Christ notre Seigneur.
Amen

Abbaye
Notre Dame de
Jouarre