Le moment est venu pour Jésus de dire à ses disciples qu’il va vers sa Passion : solennité de l’annonce, qui sera répétée deux autres fois encore dans l’Evangile. Mais comment accepter que le Maître aimé ait à souffrir, qu’il soit tourné en dérision, humilié, crucifié, mis à mort, lui qui n’a fait que le Bien ?
Alors, Pierre, avec sa fougue coutumière, lui qui est toujours un peu notre porte-parole dans ce genre de situation, vif mais peu courageux !, Pierre proteste : il refuse cette annonce ; elle contredit trop sa sensibilité… et la nôtre. Et Jésus le remet en place sévèrement : « Arrière de moi Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu ».
Si Jésus va à la mort, c’est parce qu’il y a quelque chose dans le cœur de l’homme qui résiste et résistera toujours à l’amour offert, mais cette résistance, cette violence, ne pourra jamais être surmontée que par l’esprit des Béatitudes, esprit de douceur et de paix ; la violence ne se guérit pas par la violence. Le disciple est appelé pareillement à suivre ce chemin, à se renoncer, à prendre sa croix, à perdre ou plutôt à donner sa vie, à l’abandonner. Car c’est d’un don libre qu’il s’agit, d’une offrande, d’un consentement et non d’une faiblesse.
Cet épisode est au centre de l’évangile. Où en sont les disciples à ce moment du récit ? Ils ont vu agir Jésus, ils l’ont entendu parler : une parole à nulle autre pareille. Il parlait vrai. Ils l’ont appelé « Maître », tout en s’interrogeant à son sujet : « Qui est-il pour que les vents et la mer lui obéissent ?
L’heure est venue pour eux de prendre position et de s’engager dans une parole personnelle. Jésus leur demande les avis qui circulent à son sujet : « il est prophète comme Jean Baptiste, Elie ou l’ un des anciens prophètes ».
Jésus leur pose alors la question décisive : Vous, qui dites-vous que je suis ? L’enjeu est capital. Si la reconnaissance n’a pas lieu, il restera un guérisseur, un bon prédicateur populaire, mais sans plus. Viendra un jour où l’on ne parlera même plus de lui. Il ne suffit pas que les disciples en restent à des approximations à son sujet.
Jésus arrive dans une région païenne, où il souhaite rester discret.
Une femme a entendu parler de lui. Elle n’a aucun titre pour lui parler.
C’est une femme, d’origine étrangère, sa fille est tourmentée par un démon,
autant de raisons pour garder ses distances.
En plus de cela, elle crie. Jésus ne répond pas un mot.
Aux disciples qui en ont assez de l’entendre crier,
il finit par dire qu’il n’a été envoyé que pour les enfants d’Israël.
Tout les sépare et cependant le dialogue s’engage.
Bien plus, leur rencontre va conduire Jésus à quitter ses points de repère habituels.