Souvenez-vous : dimanche dernier, le même saint Luc nous racontait cet épisode surprenant de Jean et Philippe voulant mettre le feu à un village de samaritains qui refusait de les accueillir. C’est assez proche de l’évangile d’aujourd’hui. Les apôtres voulaient répondre par la violence au refus des samaritains, réflexe tout naturel que Jésus réprime vigoureusement.
De nos jours on entend souvent dire que les religions engendrent la violence. Or il est impossible d’imposer la foi de cette façon. Chaque fois que nous avons eu recours aux armes pour imposer la foi, chaque fois que nous avons fait peser quelque contrainte économique ou culturelle, nous avons agi en contradiction avec l’évangile, en particulier avec les textes que nous venons de lire. Les quatre évangélistes disent bien que, lors de sa passion, Jésus a refusé tout recours à la violence. Les légions d’anges ne sont pas convoquées (Mt 26/53).
L‘évangile d’aujourd’hui nous aide à comprendre
pourquoi nous devons nous présenter démunis
lorsque nous prétendons annoncer l’évangile...
Le moment est venu, Jésus vient de prendre la décision d’aller à Jérusalem. Il décide résolument de faire route vers la ville où il mourra. Le texte grec dit que Jésus « durcit sa face » comme pour le serviteur d’Isaïe qui avait rendu sa face dure comme un silex face aux outrages qui l’accablaient. A travers cette épreuve le Père accomplit « l’enlèvement de son Fils », le prenant dans la gloire. Luc aime ces contraires, comme à Noël quand la naissance de Jésus dans le dénuement le plus complet est le signe de la royauté et de la gloire.
Jérusalem ! Le diable y avait conduit Jésus et l’avait quitté jusqu’au moment fixé. Ce temps est désormais tout proche. Pour atteindre la capitale de la Judée, Jésus doit traverser la Samarie, une région peu accueillante. Devant le refus de les accueillir les disciples plus ou moins adeptes de la violence, Jacques et Jean, proposent rien moins que de mettre le feu au village. Jésus les rabroue vivement comme lorsque Pierre l’avait déclaré prématurément « Christ Fils du Dieu vivant ». Dans les deux cas, ils ne comprennent pas qui Il est vraiment.
Trois rencontres vont permettre de faire la vérité.
Avouons-le, la fête du Saint Sacrement évoque d’abord pour nous l’adoration, les processions, les ostensoirs, mais l’évangile de ce jour nous parle surtout de nourriture.
Le repas, la nourriture tiennent une grande place dans la Bible. C’est un besoin élémentaire de l’homme. Dès le livre de la Genèse, il est question de manger ou non le fruit de l’arbre. Ensuite, dans les autres livres, la question est omniprésente. Dans le Lévitique le repas doit obéir à un certain rituel, à des règles complexes.
Il est vrai que dans la nourriture il y a toute notre relation à la nature et au travail. Nous le disons dans la prière de l’offertoire :
« Tu es béni ô Père, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes,
nous te le présentons, il deviendra le pain de la vie ».
Tout s’y trouve : la nature, le travail, la vie dans sa fragilité, appelée à devenir vie éternelle. Cette dernière nous est d’ailleurs souvent présentée sous l’image d’un repas de noces.
La nourriture, le repas est aussi un élément important de la vie sociale. On se sert au même plat, on partage ce qu’il y a. En mangeant le même pain, nous devenons compagnons. Mais il faut aussi reconnaître que l’on ne mange pas avec n’importe qui. Le repas, signe de communion, peut être aussi hélas ! signe d’exclusion. Jésus sera justement accusé de partager la table des publicains, et l’on sait tous les conflits qui marquèrent à ce propos, la vie de la première communauté chrétienne. Ils sont loin d’être résolus.
C’est le fond de tableau de la multiplication des pains.
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