Nous arrivons au terme de notre lecture du chapitre 6 de saint Jean commencée au début du mois. Nous avons longuement écouté Jésus se proposer comme pain pour la vie du monde. Comme les auditeurs de Jésus, nous en avons assez entendu pour savoir à quoi nous en tenir sur la personne et le message de Jésus. Qu’allons-nous décider ? Avons-nous envie de continuer notre chemin en compagnie de cet homme-là ?
C’est la question, en tout cas, que se sont posée ouvertement les auditeurs de Jésus. Et beaucoup d’entre ses disciples – beaucoup, souligne l’évangile – ont répondu non. C’est trop ! On ne suit plus.
Se nourrir de sa parole, oui ! Mais se nourrir de sa chair, non ! C’est du délire. Il n’est pas honorable d’entretenir de telles imaginations.
Mesurer la tristesse de Jésus. Il n’a pas convaincu tous ceux qui s’étaient engagés à sa suite.
Quelle déception ! Avec quelle angoisse se tourne-t-il vers le dernier carré ! « Et vous, n’avez-vous l’intention de partir, vous aussi ? » - Non, ils resteront. Car ils n’ont pas trouvé mieux que Jésus. Ce n’est pas très glorieux, mais c’est la vérité. Jésus, ils ne le comprennent pas toujours, mais ils pressentent qu’en lui, c’est la sainteté même de Dieu qui se révèle et qui veut se communiquer.
Communier au pain de Jésus, c’est communier avec l’invraisemblable, accéder à l’impossible. C’est communier à la sainteté même de Dieu, à la vie même de Dieu.
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Ils ont raison, les Juifs : cette histoire d’un homme qui dit : « Ma personne, ma vie, elle est comme du pain, elle est faite pour être mangée », ça ne tient pas debout ! Jamais aucun sage, aucun maître de vie spirituelle, aucun fondateur de religion n’a parlé comme ça !
Nous sommes renvoyés à ce qu’il y a de plus élémentaire dans le christianisme, et dans la vie humaine.
Le pain, c’est d’abord la base et le symbole même de notre civilisation. Depuis la Mésopotamie et Sumer, nous appartenons à la civilisation du pain comme d’autres à celle du riz ou du maïs. Le pétrin du boulanger est comme le creuset de notre vie, et de notre vie commune : matière vivante, la pâte est travaillée pour donner la vie à toute une communauté. Ce pain, doré et croustillant, la boulangère ou la mère de famille ne le fait pas pour elle toute seule. Le pain est fait pour toute une famille, tout un village, tout un quartier. Quand il n’y a plus de boulanger dans un village, ce n’est pas bon signe. Le pain, c’est le symbole de la vie, et de la vie partagée. Dans le pain, il y a toujours, d’une manière ou d’une autre, de l’amour.
Mais il y a pain et pain. On ne mange pas de n’importe quel pain (« Moi, Monsieur, je ne mange pas de ce pain-là ! »). Dis-moi de quel pain tu manges, je te dirai qui tu es.
Le chrétien est quelqu’un qui mange le pain du Christ. Il se nourrit du Christ. Qu’est-ce que cela veut dire ?
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Nous poursuivons notre lecture du chapitre 6 de saint Jean.
Vous vous en souvenez : les choses avaient commencé par un triomphe : la multiplication des pains. Jésus était évidemment le Messie attendu, le nouveau roi d’Israël. Et puis les choses se sont gâtées. Jésus a reproché aux gens de se conduire en matérialistes, comme on dit aujourd’hui. Alors les gens ont commencé à rouspéter. Rouspéter, en langage biblique, ça se dit « murmurer ». Les gens ont commencé à murmurer. Comme leurs ancêtres avec Moïse : à peine étaient-ils sortis de la Mer Rouge sains et saufs, à peine avaient-ils échappé à Pharaon, à ses chars et à ses guerriers, qu’ils se sont mis à rouspéter. Pas trop fort, bien sûr, pour que Yahvé n’entende pas. Mais ils ont murmuré assez fort pour que Moïse, du moins, puisse les entendre : « Qu’est-ce que c’est que ce pays où tu nous as emmenés ? C’est un désert, il n’y a rien à boire, rien à manger. Nous allons crever. En Egypte, au moins, on avait des oignons et de la viande plein les marmites… »
Il faut écouter la plainte d’Israël, la plainte de toujours. C’est la nôtre. Rêvant d’un avenir paradisiaque, mais incapables d’accueillir le présent – le présent du présent, le cadeau du présent – et nous réfugiant toujours dans la nostalgie du passé – passé mythique, le plus souvent.
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